Titre : DUCH LE MAÎTRE DES FORGES DE L’ENFER
Sous-Titre : Documentaire

Durée : 1h 43′

Nationalité :  France/ Cambodge 
Réalisateur : Rithy Panh 

Année de production : 2011
Éditeur Vidéo : Editions Montparnasse vidéo
Description : DVD  
Complément :

–  Gibier d’élevage, film de Rithy Panh d’après l’œuvre de Kenzaburo Oé

critique :

Kaing Guek Eav dit Duch responsable sous le régime Khmer rouge de l’unité spéciale M13/S21, (condamné à 35 ans de prison mais en appel) justifie les raisons de ses actes, au long d’une interview face caméra, complétée d’archives N&B et de diverses reconstitutions dans les prisons d’alors.

Consultant calmement les photos, registres annotés de sa main il explicite précisément les documents, sans jamais chercher d’excuses mais en revendiquant sa foi dans le discours politique d’alors. Son application zélée au travail bien fait, son intégrité totale incluent son sens pédagogique pour faire fonctionner efficacement un système, former de bons « questionneurs » et exécutants. Investi du discours de la dictature prolétarienne qui devait détruire l’ancien monde pour en construire un nouveau, sans aucune remise en cause morale ni émotionnelle, il a appliqué à la lettre les ordres de ses supérieurs pour être toujours le meilleur dans son rendement, grâce à une méthodologie mathématique de destruction. Dans cette même ligne de conduite de strict calcul, il a préféré au bouddhisme déterminé par les actes, la prise en compte du remords pour atteindre le pardon de la religion catholique.

Le cinéaste, victime rescapée de cette dictature, sans intervention aucune, nous place seuls face à un bourreau revendiquant, si ce n’est son innocence du moins son absence de culpabilité, argumentation machiavélique mais humaine inversant alors la responsabilité pour doublement nous confronter à la mort.

Le film de Rithy Panh tourné après celui des tribunaux cambodgiens lors du procès, dépasse la retransmission d’explications ou d’aveux pour sans jugement, par l’image et le montage (300 heures de tournage) faire œuvre de réflexion sur cette mécanique obsessionnelle. Est alors mis en exergue l’engrenage de la cruauté aveugle qui a sévi ici et là et se perpétue encore (des guerres de conquête préhistoriques à celles de religions contemporaines), chaque idéologie légitimant son enrôlement et l’irréversibilité induite de ses dérives, tous terrorismes concernés.

C’était entre 1975 et 79 au Cambodge, mais comme c’est encore aujourd’hui partout ailleurs dans le monde, il faut aller écouter, voir et comprendre ce qui ne devrait pas être l’œuvre de l’homme.